Comment construire vos prix pour votre marque bio ?

par Simon Le Fur le
Comment construire vos prix pour votre marque bio ?

S'il y a quelque chose sur lequel je me dis qu'Aventure bio peut faire gagner des mois voire des années aux jeunes marques bio c'est sur l'explication de la construction des prix de vos produits bio.

de l'art ? j'adore !

Vous connaissez votre prix de revient ? (ou alors commencez vite à le calculer !) Vous connaissez le prix de vente consommateur recommandé à partir duquel vos produits commencent à réaliser des rotations intéressantes en point de vente ?

Maintenant vous devez faire en sorte qu'il y ait 55-65% de marge entre les deux !
(oui c'est compliqué et ça va prendre du temps. Cela va demander des investissements dans votre outil de production, dans votre marketing et votre développement commercial).

Calcul de la marge complète
(Prix de vente conso HT - Prix de revient) / Prix de vente conso HT

ici : (142,5 - 60) / 142,5 = 57%
ça donne envie de vendre en direct hein ? et bien faites-le !

 

Bien sûr tous les chiffres sont discutables et sont à adapter selon votre segment. Les cosmétiques, les pondéreux à forte rotations (boissons, conserverie) n'auront pas exactement la même structure de partage de valeurs que des compléments alimentaires ou même des légumes bruts.

Tous ces prix s'entendent transport inclus (franco de port).

Prix consommateur TTC 150 Selon le canal de distribution entre 140 et 180
Prix consommateur HT 142,5 avec une TVA à 5,5%, cela fait 30% de marge
Prix revendeur HT 100 C'est votre prix si vous contractez en direct avec un point de vente
Prix agent commercial 85
Prix grossiste 80-73 Un grossiste "logistique only" et local coûtera moins de marge qu'un grossiste complet qui fait le commercial et livre en national
Prix enseigne 70-75 L'enseigne est livrée sur plateforme centrale et assure la logistique et le transport jusqu'aux points de vente. Les points de vente touchent au final le produit à un prix autour de 95
Prix de revient 50-65 transport inclus

 

Cela signifie que votre coût de revient produit (transport inclus) doit se situer en deçà de 70.

Les marques bio bien établies parviennent à 55-60, ce qui leur permet d'être rentable même en passant par des grossistes et par des enseignes. C'est vers ces ratios qu'il faut tendre si votre stratégie est d'être distribué en national.

 

Les questions classique que vous êtes en droit de vous poser

 

"Je préfère pratiquer un prix revendeur proche de mon prix de revient pour proposer mes produits à un prix accessible aux consos"

Intention louable, sauf qu'il faudra dans ce cas être capable d'assurer le développement commercial et la logistique tous seuls, puisque votre structure de prix ne permet pas de les déléguer à des grossistes, à des enseignes où à des agents.


Ce modèle peut fonctionner si :

- vous visez un marché régional, dans lequel vous êtes déjà bien inséré. Le cas des transformateurs régionaux du GRAP de Lyon peuvent rentrer dans ce cas.
- vous connaissez déjà un paquet de personnes clés du marché national et avez inventé un produit incroyable qui se vend tout seul : ça peut exister, mais c'est rare :)

 

D'expérience j'ai constaté deux mécanismes auxquelles sont confrontées les gens qui travaillent à faire croitre un business :

1) il y a des "lois physiques" dans le développement commercial

Par exemple un stagiaire qui ne parle pas espagnol ne PEUT pas réussir à ouvrir 1000 comptes clients B2B en 1 an en Espagne. En vérité, une commerciale expérimentée française ne peut pas non plus en ouvrir 1000 toute seule sur le marché français en une année. Ou alors elle a des gens qui travaillent pour elle et des budgets pub qui démarchent pour elle. Du capital et du travail voilà ce qui fait la différence, ce qui pose les ordres de grandeur. L'habileté, l'expérience, le talent viennent améliorer ces schémas, mais ne les structurent pas. Sauf gros coup de chance imprévisible (et attendre le gros coup de chance ce n'est pas une stratégie).

Quel travail et quel capital avez-vous investi dans votre développement commercial ?

2) on adore écouter des histoires qui vont à l'encontre de ces lois physiques

Spinoza disait que l'être humain n'était pas attiré par le bien mais avait une tendance à appeler "bien" ce qui l'attire. Je crois que c'est pareil avec les petites histoires de succès entrepreneuriaux : on adore y croire.

Donc posez-vous régulièrement cette question : suis-je en train de me raconter des histoires sur le développement de mon entreprise ?

(Cette question est encore plus importante quand on l'applique à sa vie perso...)

 

Quand on a peu de capital et de travail à investir, la seule solution pour toucher les 2500 points de vente de Biofichiers, c'est d'avoir une structure de prix qui permet de rémunérer des intermédiaires qui vont régler des problèmes insolvables pour votre petite structure (logistique et transport pas chers, force commerciale déjà bien implantée).

Voilà pourquoi il faut 55-60% de marge globale sur vos produits, pour la partager et faire bosser des partenaires plutôt que d'être coincé(e) et de devoir développer vos ventes tout(e) seul(e).

 

"Si je monte mes prix pour faire rentrer des grossistes, des agents et des enseignes dans ma structure de prix, mon produit sera hors marché et n'aura aucune chance de se vendre. A contrario si je concède 25% je perds de l'argent sur chaque produit vendu"

Vous n'êtes pas seul dans cette situation, c'est quelque chose qu'on entend très souvent chez Aventure bio.

La résolution de cette équation de "comment je vais inventer un produit sur lequel faire 55-60% de marge" sera le fil rouge de la vie de votre entreprise bio. Cela ne se construit pas en 1 jour ni même en 1 an, c'est un travail de fourmi.


Ce qui compte c'est d'avoir cet objectif en tête dans toutes vos décisions, durant toute votre vie d'entrepreneur bio, pour ne pas vous retrouver pris en étau entre vos coûts de production artisanaux et la concurrence de produits mieux marketés et moins chers.

 

Comment vendre plus cher ? la valorisation et le marketing

En général, nous constatons qu'un produit doit être au maximum 30% plus cher que les best-sellers de son segment en réseau bio spé. Par exemple si vous faites des petits pois en conserve, ce sera difficile d'émerger si vous êtes à 1,5 fois le prix des petits pois Prosain, même si vous êtes local et meilleurs.

La stratégie pour sortir de cette contrainte est de créer votre sous-segment. Par exemple si vous inventez les petits pois à la spiruline, si bons que les enfants les aiment autant que des petits pois normaux et si nutritifs que ça permet de diviser les portions de viande par deux, alors vous aurez la possibilité de proposer un prix un peu plus élevé.

Sauf que c'est plus dur à vendre, car votre vrai client c'est un magasin bio et que les magasins bio n'ont pas de rayon conserverie/superfood. Vous arriverez peut-être à les convaincre d'en créer un, mais cela prend du temps et que ce temps est un coût commercial. Attention au "syndrome Pygmalion" : vous allez trouver votre produit génial et ce sera évident pour vous que les magasins et les enseignes devraient le référencer en urgence. Sauf que les revendeurs trouveront votre produit risqué car (au choix) : trop cher, trop segmentant, pas assez bon. Et une nouveauté qui ne se vend pas c'est du stock immobilisé trop longtemps, de la place mal occupée, voire de la perte.

Si finalement vous parvenez à ouvrir cette brèche et que le marché (les consos et les revendeurs) accueille favorablement l'idée que "manger des petits pois à la spiruline c'est chouette", vous allez avoir votre chance auprès d'enseignes et de grossistes bio.

C'est à ce moment là que vous vous bénirez d'avoir construit une structure de prix qui vous permet de les faire entrer sur votre chaine de valeur sans avoir à chambouler vos prix de vente !

Commencera alors la phase où vous allez travailler beaucoup en production pour servir ces gros clients.

Comment produire moins cher : industrialisation, R&D recettes, achats matières, machines, emprunts et logistique

L'autre versant de la construction du prix c'est le coût de revient. Je serai plus bref sur ce point car ce n'est pas mon domaine premier d'expertise.

D'un point de vue stratégique, il faudra veiller à bien répartir votre coût de revient entre les 3 piliers de la performance de votre produit : prix bas, engagements bio, goût attractif.

On voit énormément d'innovations produits qui ont tout mis sur les engagements bio mais qui sont par conséquent hors de prix et fades.

Votre produit parfait est celui que vous commercialiserez dans 5 ans ! Au départ vous devez faire la chasse à la surqualité, car elle plombe votre modèle économique.

Quelques pistes donc (à creuser dans un prochain article) :

- choisissez 2 voire 3 engagements bio maximum, de toutes façons le conso ne va pas en retenir plus. Vous vous êtes déjà arraché pour créer une recette de petits pois à la spiruline pour décarboner les apports en protéines. C'est sans doute trop ambitieux de vouloir les emballer dans du kraft consigné et de les conserver au frais pour préserver tous les nutriments. Le monde a besoin que vous créiez des entreprises bio viables/durables, pas que vous vous épuisez à sortir des concepts sympas qui génèrent des articles Positvr mais qui ne trouvent pas leur marché ensuite et vous oblige à reprendre un boulot chez Bayer/Monsanto ensuite pour payer les factures.

- simplifiez vos recettes. Plus vous avez une palette d'ingrédients larges plus vous allez passer du temps à sourcer, à négocier, à comparer, à valider. Cela rentre dans votre coût de revient indirectement. Faites simple

- faites bosser un cuisinier non-bio. C'est peut-être déplorable mais nos goûts sont façonnés par les arômes artificiels utilisés à outrance par les marques conventionnelles (coucou Givaudan). Votre produit doit plaire à des consos qui aiment les Chocapics. Les conseils de cuisiniers sont un bon investissement.

- faites rentrer des partenaires financiers quand la boite est encore prometteuse et que vous n'en avez pas vraiment besoin. La confiance ça se crée dans la durée et ça démarre mieux quand tout va bien côté business.

 

Conclusion : pardon d'être chiant !

Vos histoires sont uniques et vous arriverez chacun à "cracker" quelques unes des contraintes énumérées dans l'article, je le vois tous les jours. Je sais bien qu'on ne fait pas ce métier pour gagner de l'argent (autrement on ferait autre chose), mais ça n'est pas une raison pour en perdre inutilement et que votre beau travail soit vain.

N'hésitez pas à me contacter sur slf@aventure.bio pour discuter (gratuitement) de vos problématiques.

Enfin, ne me croyez pas sur parole, demandez conseil à des gens qui connaissent mieux la bio que moi ! Je peux vous mettre en contact :)

 

 

 

 

 

 

 

2 commentaires

La marge dont vous parlez de 55%-65% est une marge brute, n’est ce pas?

Moon Mas

Bonjour Simon,
Bravo pour l’analyse de positionnement prix qui tape dans le mille me concernant.
Je me reconnais bien dans cette quadrature du cercle pour notre marque Arcyvert (avec les enzymes en guise de spiruline).
Au plaisir d’en discuter ensemble.
Thierry Mauban

mauban

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