En tant que grossiste-incubateur de jeunes marques bio, Aventure bio voit passer de nombreuses innovations intéressantes. Nous passons des moments passionnants à échanger avec les fondatrices et les fondateurs.
Quand on se rend compte qu'on commence à répéter certaines choses, on pousse un peu la réflexion pour essayer d'en tirer des enseignements utiles pour toutes les jeunes marques bio :)
Peut-être que cela permettra de voir toujours plus de beaux projets bio bien construits émerger !
Dans la même lignée on s'était permis de diffuser sur notre blog un article pour aider les marques à savoir comment fixer ses prix pour ses produits.
Aujourd'hui je vais vous parler de la quête de la niche
Le monde n'a pas attendu votre marque et vos produits
Le biais de l'inventeur
Une création d'entreprise commence souvent par une période d'euphorie où on aime tellement son idée qu'on imagine que le monde l'attend depuis des années.
Sauf que c'est un biais, le biais de l'inventeur. On ressent une telle joie à trouver une idée et à la concrétiser qu'on plane un peu et qu'on ne perçoit pas que le reste du monde s'en fiche. Vos proches se laissent gagner par cette joie communicative et vont même involontairement vous laisser croire que tout le monde trouve votre idée géniale, alors qu'ils trouvent simplement génial de vous voir joyeux (c'est beau l'amitié !).
La vérité c'est qu'avec votre idée de business, vous cherchez à monter dans un métro bondé, le métro de votre marché cible.
Voici le marché dans lequel vous allez devoir vous faire une place ! Ces gens n'ont pas vraiment envie de vous faire un peu de place, on les comprend non ? :)
Conseil : personnellement j'arrive à me débarrasser de ce biais de l'inventeur en laissant mes idées prétendument géniales de côté pendant 10 jours. Autre méthode efficace, en parler à ma femme qui a un radar à fausses bonnes idées qui vont faire perdre du temps et de l'énergie à toute la famille.
Dans mon cas, 80% du temps une fausse bonne idée se reconnait à une dose importante d'ego dans son origine ;)
Comment trouver une place dans ce marché bondé ? Trouvez la faille !
Contrairement à ces agents serviables, les marques en place ne vont pas multiplier les efforts pour vous faire une place sur leur marché
Au moment de chercher à vous faire une place sur votre marché, gardez en tête que vous êtes tout petit et frêle face aux leaders du marché déjà en place.
Trouver une faille ce n'est pas un "bonus stratégique", c'est votre SEULE chance de vous développer, donc dès que vous avez trouvé une faille/niche viable et délaissée par les gros, investissez toutes vos petites forces dedans et espérez qu'elle ne se referme pas à mesure que vous avancez.
Cette niche c'est une opportunité délaissée par les acteurs en place car :
- ils ne l'ont pas encore identifiée
ou
- parce qu'ils l'ont identifiée mais jugée trop peu intéressante.
Votre meilleure chance c'est que cette niche ait déjà été écartée par les gros.
Si vous visez une niche suffisamment intéressante pour un gros, il va s'y intéresser un jour ou l'autre et risque fortement de vous écraser (sans le vouloir, ou pas). Les grosses niches engendrent gros besoins en cash pour batailler contre des gros concurrents déjà bien en place. Laissez-ça à des startupeurs qui sont prêts à lever des millions !
Mon conseil : visez des niches peu intéressantes pour des gros sur lesquelles vous avez de bonnes chances d'un peu mieux performer qu'eux car elles requièrent des qualités qu'ils n'ont pas ou qu'ils n'ont plus : agilité, faibles coûts de structure, absence de "dette technique" et... grain de folie. Jouez à fond sur vos qualités pour exploiter les failles des acteurs en place !
Si vous arrivez à faire un business viable de cette niche, vous pourrez ensuite viser et développer d'autres niches de plus en plus intéressantes, car vous serez de plus en plus solide.
Comment savoir si votre niche est viable ?
En tant que marque bio vous allez vous battre sur 3 terrains principaux (c'est dur, car il faut être compétitif sur les 3 !) :
- le prix : on parle de produit que les consommateurs achètent régulièrement, il faut donc qu'un nombre important de consommateurs estiment que votre produit vaut son prix semaine après semaine.
Est-ce que votre produit est au maximum 20-30% plus cher que ses concurrents ?
Conseil : comme vous aurez peu de chance d'avoir des coûts de production compétitifs par rapport aux grandes marques du marché, innovez sur le segment de votre produit en créant un "hybride de deux segments" (voir section suivante)
- le goût : avez-vous remarqué comme il est rare d'intégrer un nouvel aliment à ses habitudes alimentaires ? Autant on change de cosmétiques tous les mois et de vêtements tous les 3 mois (fast fashion, quelle tristesse), autant on n'invite pas un nouvel aliment à sa table facilement. On le goûte une fois peut-être, mais très peu sont invités régulièrement.
Est-ce que votre produit est préféré à l'aveugle par une part significative (30% des gens ?) par rapport aux produits comparables des marques en place ?
Conseil : faites travailler des professionnels de la cuisine sur vos recettes et investissez dans des tests organoleptiques. Faites en sorte que le goût soit attractif mais surtout identifiable pour que le conso s'y attache.
- les engagements : on est en bio, donc les engagements ont (en partie) remplacé le marketing trompeur et c'est tant mieux ! Votre produit doit "incarner" votre engagement principal. Votre marque doit être aussi explicite que possible (exemples : Chiche ou Résurrection)
Conseil : ça semble souvent assez facile de faire mieux que les marques en place, sauf que tenir des engagements et le faire savoir aux consommateurs c'est deux choses différentes (indice : le deuxième coûte cher). Ne multipliez pas les engagements, vous n'en avez pas les moyens, choisissez les combats pour lesquels vous avez le plus d'affinité et faites-en la promotion auprès du public
Dans certains cas des terrains secondaires pourront vous permettre de faire la différence : la simplicité d'usage, le design... Mais vous ne gagnerez pas votre place si vous êtes distancés sur le prix, le goût ou l'engagement.
Votre niche a donc des chances d'être viable si vous avez une solution réaliste pour être bon sur ces 3 terrains.
Voyons maintenant comment trouver des niches !
Comment trouver des niches viables : ma méthode de brainstorming dirigé
Inventer de nouveaux besoins alimentaires en partant de zéro, c'est cher et incertain. Quand le besoin est identifié c'est que c'est une grosse niche, pas le genre de niche de 2ème choix que je vous conseille de viser.
Je vous recommande donc d'être artisan plutôt qu'artiste : faites des assemblages d'unités de besoin et de tendances pour trouver des micro-segments à investir.
Sachez utiliser la force de concepts déjà bien ancrés dans la tête des gens et les détourner pour que votre concept soit compréhensible en 2-3 mots par association d'idées.
Faites 2 chapeaux et assemblez au hasard :
D'un côté vous avez les tendances bio : la végétalisation de l'alimentation, le ré-enracinement local, la chasse aux protéines complètes, les alternatives non-sucrées, les céréales qui poussent avec peu d'eau, le zéro déchet (vrac, consigne), l'upcycling, le réusage, l'alimentation décarbonée
De l'autre côté vous avez les segments de consommation : l'hygiène enfantine, les aides culinaires, les infusions, les fruits secs, la lessive, le rhum, les purées de fruit...
Par exemple ça peut donner ça (attention ces idées n'ont pas été crash-testées en famille, il y a sans doute des gros biais de l'inventeur dedans !)
- la moutarde protéinée : 3 grammes de protéines par cuillerée. Marche bien avec le ketchup ou le pesto
- la galette steak de sarrasin. Les gnocchis de sarrasin, surprotéinés bien sûr
- les gnocchis au sarrasin/sorgho/souchet (toutes ces plantes qui poussent avec peu d'eau et qui nous seront utiles à +2°C)
- le yaourt plus protéiné qu'un steak
- la barre énergétique sans emballage (emballage mangeable !)